La saison estivale 2025 a été des plus juteuses pour l’agence spatiale fondée par Elon Musk, milliardaire américain dont la personnalité et les engagements politiques font couler beaucoup d’encre. En effet, avec plus de 500 lancements et retours de fusées Falcon, ainsi que plus de 300 missions Starlink effectuées avec succès, le géant de l’aérospatial américain situé en Californie bat tous les records. Tous les satellites Starlink lancés par ces missions flottent actuellement au-dessus de nos têtes en orbite basse. Ils fournissent une connexion internet à très haut débit et des lignes de télécommunication sécurisées à des centaines de pays. Cependant, ce projet pourrait-il avoir des conséquences dramatiques à l’avenir ?

Un rêve qui transcende notre Histoire

L’exploration spatiale est le rêve de l’Humanité depuis des millénaires. Les principes de la fusée telle que nous la connaissons remontent à environ l’an 400 avant J-C, lorsque Archytas de Tarente a créé sa réplique en bois d’une colombe qu’il faisait voler grâce à ce qui semblerait avoir été un mécanisme à air ingénieux. De telles considérations, bien qu’impressionnantes pour l’époque, ne sont rien d’autre que les balbutiements qui ont donné naissance à notre ingénierie aérospatiale moderne. De nos jours, les fusées spatiales sont des merveilles de technique et d’inventivité qui permettent à certains élus, spécialistes en la matière ou simples célébrités, de fuir ne serait-ce que momentanément le giron maternel de notre planète.

Un gigantesque jeu de billard en inertie

Cependant, il se profile à l’horizon une ombre inquiétante qui projette ses ténèbres sur le tableau inspirateur de ces avancées technologiques : ce que l’on appelle le Syndrome de Kessler, dont le nom provient de Donald J. Kessler, ancien consultant pour la NASA qui a imaginé le scénario.

Le principe est simple : lorsqu’un objet subit un impact suffisamment grand, celui-ci se brise en morceaux. Ces morceaux absorbent la majeure partie de l’énergie cinétique résultant de la collision. Dans un environnement à faible gravité tel que l’orbite d’une planète, ces fragments continuent de flotter librement et prennent de la vitesse, accélérant ainsi pour atteindre des vitesses allant jusqu’à 10 km/s. À de telles vitesses, même un simple boulon à tête hexagonale aux dimensions 8 x 20 mm et pesant 128 grammes accumule une énergie cinétique 20 fois supérieure à celle d’une balle de calibre 50 ! Ces fragments en déplacement peuvent ensuite entrer en collision avec d’autres objets artificiels plus gros, causant une sorte de réaction en chaîne d’effet domino qui s’auto-alimente, avec des résultats exponentiels.

Au final, il en résulte en théorie un champ de débris qui flotte constamment autour de la planète, empêchant, sur le papier, d’envoyer de nouvelles fusées et de nouveaux satellites dans l’espace, car ceux-ci seraient impitoyablement réduits en miettes par ce blizzard métallique, ce qui en retour aggraverait davantage le problème.

Prisonniers de notre propre monde

C’est là que notre attention se porte sur Starlink. Bien entendu, Starlink n’est pas la seule entreprise travaillant dans le domaine, mais comme l’entreprise d’Elon Musk devient de plus en plus productive chaque année, on ne peut s’empêcher de lier celle-ci à cette menace. À l’heure où vous lisez cet article, il existe pas moins de 8000 satellites de Starlink qui flottent autour de la Terre, chacun étant composé de milliers de composants. Et chacun de ces composants peut ainsi représenter un danger en orbite. Un projet d’une telle amplitude pourrait en effet, selon la théorie, se révéler la source de ce syndrome de Kessler. Ainsi, il en résulterait la destruction de la plupart de nos satellites et l’obstruction de notre accès à l’espace pour de nombreuses générations. Et un tel cataclysme affecterait plus que nos programmes d’exploration spatiale, mais également notre capacité à communiquer, à utiliser internet, etc.

Un danger surestimé ?

Heureusement, nous n’en sommes pas à ce stade. SpaceX s’est déjà exprimé à ce sujet par le passé et a déclaré que l’entreprise plaçait délibérément ses satellites en orbite relativement basse (dans la tranche atmosphérique située à 400 km-500 km d’altitude) pour que ceux-ci dévient de leur orbite de manière naturelle après 5 ou 6 ans de service. Le frottement atmosphérique joue en effet un rôle dans le freinage de ces objets au fur et à mesure, de sorte que même les éléments les plus petits finissent par retomber et se consumer à cause du frottement de notre atmosphère. À noter également que l’entreprise d’Elon Musk équipe ses satellites d’un système automatique anti-collision alimenté par l’intelligence artificielle. Ce système s’appuie sur des algorithmes pour faire effectuer des manœuvres aux satellites lorsque les probabilités de collision atteignent un certain seuil (qui reste malgré tout très faible). Le nombre de satellites et autres objets en orbite ne cessant d’augmenter, le nombre de changements de trajectoires en temps réel croît également.

Richard Linares, chercheur en astro-dynamique et professeur au MIT, a expliqué que les débris potentiels situés en altitude basse ne constitueraient probablement pas un obstacle aux ambitions spatiales de l’Humanité. En effet, les fusées à équipage traversent ces régions inférieures de l’orbite à une vitesse telle que la probabilité de collision avec un objet serait extrêmement faible. Mark Matney, physicien travaillant pour le Bureau d’Étude des Débris en Orbite (Orbital Debris Program Office), a également déclaré que ce n’est pas comme si ces parties de l’orbite terrestre allaient devenir inutilisables dans un tel cas de figure. Il s’agirait en effet plutôt d’une situation où l’orbite de la planète comporterait un risque accru de destruction de tout satellite qui serait lancé par la suite. Linares mentionne que dans un tel futur, « les humains n’auront probablement pas de raison de tenter de mettre des satellites sur orbite à cause d’un taux de perte d’environ 50%. »

Somme toute, il en revient donc aux agences spatiales de faire preuve d’un plus grand sens de la responsabilité et d’éthique en ce qui concerne les lancements d’appareils en orbite. Il leur revient également de nettoyer leurs déchets après leur passage. Pour le moment, il semblerait que SpaceX fasse preuve d’une approche très durable avec sa combinaison de stationnement en orbite basse, de systèmes de correction de trajectoire par IA et de retour de propulseurs. Nous n’avons donc pas à craindre un blackout de nos télécommunications suite à cela, du moins pas immédiatement. Il est bon de noter qu’à la date de publication de cet article, la dernière collision majeure a été celle d’Iridium et de Cosmos le 10 février 2009. Depuis lors, la population de satellites circulant en orbite a octuplé, sans compter le nombre impossible à déterminer de débris qui flottent à leurs côtés.