Les smartphones sont avant tout censés permettre de nous connecter les uns aux autres plus facilement. Les applications de messagerie simples offrent des options pratiques et sont pour la plupart gratuites. Néanmoins, nous en payons le prix : notre numéro de téléphone et nos contacts ainsi que les « métadonnées » sont souvent collectées et exploitées commercialement par les opérateurs. Il y a de l’argent à tirer de ces informations : avec qui on communique et pendant combien de temps. 

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Commencez par créer un identifiant … / © NextPit Image source: NextPit

Et même si certains développeurs sont dignes de confiance, comme ceux à l’origine de la messagerie « Signal » par exemple, il y a tout de même  un hic : on doit toujours s’enregistrer avec un numéro de téléphone et donner à l’application l’accès à nos contacts. En Allemagne, le numéro est inévitablement lié à notre véritable identité. Et les contacts auxquels l’application veut accéder devraient théoriquement accepter individuellement que leurs numéros soient transmis par notre intermédiaire.

La paranoïa comme signal ou fil conducteur

On peut dire que « Session » est un dérivé de « Signal ». Le fonctionnement des deux services est en grande partie identique, mais au cours du processus d’installation, on ne vous demandera plus votre numéro de téléphone sur « Session » contrairement à « Signal ». Il n’y a pas non plus de dispositif permettant d’accéder à votre liste de contacts ou de lier votre numéro ou votre adresse mail à votre identifiant de session- ce qui rend Session encore plus protecteur (ou paranoïaque) que Threema.

Ce que « Session » propose

« Session » fonctionne comme n’importe quelle application de chat : on a des messages vocaux, une recherche GIF (avec avertissement de confidentialité), un partage de fichiers et des discussions de groupe. Vous pouvez ajouter de nouveaux contacts en scannant un code QR ou en échangeant l’identifiant de la session. Vous pouvez partager vos groupes via un lien.

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Si vous partagez des GIF, Session vous avertit des méta-données compromises / © NextPit Image source: NextPit

Discussions de groupe cryptées

Un autre avantage par rapport à « Signal » ou « Telegram » est le cryptage de groupe de bout en bout. Jusqu’à dix personnes peuvent se mettre en réseau de manière totalement anonyme via une session. Oui, WhatsApp a également des chats de groupe cryptés. Mais vos métadonnées, numéros de téléphone et adresses IP restent visibles sur Facebook. Avec « Session », vous n’avez aucun soucis à vous faire de ce côté-là car votre compte est détaché de vos données personelles. 

« Session » se lance sur toutes les plateformes

« Session » fait son démarrage dans les règles. L’application est disponible sur le Google Play Store (ou sous forme d’APK), sur l’App Store et en téléchargement pour Windows, MacOS et Linux. En théorie, vous pouvez utiliser le même identifiant « Session » sur tous vos appareils en même temps. Malheureusement, ça n’a pas marché pour moi. Lorsque vous installez Session pour la première fois, cela crée une – d’où le nom – nouvelle session ou séance. Elle est protégée par une une phrase de récupération. Ainsi, si vous changez de smartphone, vous pouvez continuer votre session sur le nouvel appareil en utilisant cette phrase.

Comment sauver sa/ses sessions?

Les sauvegardes de discussions sont effectuées sur « Session » de deux manières. Soit vous créez une sauvegarde locale (également protégée par un mot de passe, comme dans « Signal »). Soit vous copiez les données sur le stockage interne de votre smartphone avant de réinitialiser votre téléphone.

Vous pouvez aussi vous fier à vos partenaires de chat et télécharger les transcriptions de chat après avoir restauré votre session. Malheureusement, je n’ai pas non plus réussi à utiliser cette fonctionnalité. 

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Après restauration, certaines discussions ont été partiellement perdus / © NextPit Image source: NextPit

Ce que « Session » ne peut pas (encore) faire

Comme vous pouvez le voir ci-dessus, Session n’est pas très doué pour restaurer vos sauvegardes. Si vous souhaitez déplacer l’application sur un nouvel appareil, vous pouvez avoir des difficultés à restaurer vos discussions archivées. Toutefois, étant donné que « Session » est conçue pour des sessions de courte durée, je ne m’attends pas à une amélioration dans ce domaine dans un avenir proche.

Débloquer les sessions restaurées

« Session » n’est pas non plus très fiable pour rester en contact avec les gens. Lorsque j’ai restauré une session dans mon test, j’ai pu restaurer mes contacts, mais seulement avec leurs identifiants et pas leurs pseudonymes. Mais je ne pouvais plus leur écrire à cause du nouveau cryptage. Ce n’est que lorsqu’ils m’ont contacté que j’ai pu leur répondre de nouveau. Donc, si l’un de vos contacts de session ne répond pas pendant un certain temps, envoyez-lui un ping. Vous devrez peut-être d’abord le déverrouiller pour échanger à nouveau.

« Telegram » est le meilleur ami de « Session »

Étant donné que « Session » est davantage conçu pour créer des chats de courte supprimés ensuite, il est intéressant d’utiliser l’application « Telegram » en parallèle. J’ai utilisé cette dernière pour échanger rapidement des identifiants (éventuellement via un chat sécurisé avec minuteur d’autodestruction) et pour sauvegarder et synchroniser mes identifiants et mes mots de passe. Une fonctionnalité similaire serait offerte par la combinaison de la synchronisation et de l’éditeur de texte, mais elle n’est pas aussi facile à mettre en place.

Qui se cache derrière « Session »? 

« Session » fait partie de la Fondation Loki, une organisation à but non-lucratif et son PDG est Simon Harman. Même si le projet n’est pas orienté vers le profit, il veut monétiser « Session. » Une partie de l’infrastructure est basée sur un réseau de blockchain qui exploite sa propre monnaie, le $LOKI.

Le réseau fournit une infrastructure importante pour rendre ses utilisateurs anonymes, notamment un routeur en oignon pour cacher votre adresse IP. Ni votre interlocuteur ni la Fondation Loki ne peuvent déterminer votre emplacement.

Ainsi, si un État obtenait une injonction du tribunal pour inspecter les serveurs de « Session », les enquêteurs ne trouveraient rien d’autre que des identifiants de « Session » et des adresses IP TOR insignifiantes. Aucune de ces informations ne permettrait de tirer des conclusions claires sur l’identité des utilisateurs de l’application de messagerie.

Conclusion

Session est l’une des messageries les plus prometteuses pour le paranoïaque qui est en moi. Cette application me conviendrait dans la vie de tous les jours si elle surmonte ses faiblesses gênantes lorsqu’elle est utilisée sur plusieurs appareils et surtout lorsqu’elle restaure la session. En attendant, il s’agit sans aucun doute d’une étude de faisabilité passionnante et de la preuve qu’il est possible de chatter autrement.